R.H. Kévorkian - A. Sarafian, Revue d'histoire arménienne contemporaine I (1995), pp. 101-125.
Si des progrès notables ont été enregistrés ces dernières années dans l'étude du génocide des Arméniens de l'Empire ottoman, on le doit en grande partie à l'exhumation de sources diplomatiques d'origines allemandes, autrichiennes et américaines. Remarquons toutefois que ces progrès ont surtout contribué à mettre en évidence les responsabilités dans l'exécution du génocide: celle du gouvernement jeune-turc, de l'Organisation spéciale, de l'armée et des autorités locales. Les études de cas sur une région donnée sont, si l'on exclut les témoignages laissés par des rescapés, quasiment inexistantes. Or celles-ci sont indispensables pour aborder une des questions essentielles: les motivations économiques des différents acteurs du génocide. Incontournables témoins du sort fait aux populations arméniennes de province, les agents consulaires apportent des éléments de réponse à ces questions, grâce aux innombrables dépêches et rapports qu'ils ont laissés. Leurs témoignages écrits sont d'autant plus importants qu'ils constituent une sorte de chronique quotidienne du génocide, qu'ils nous permettent de mesurer les conséquences locales du crime, qu'elles soient économiques ou sociales. Avec eux le criminel et la victime acquièrent une identité; les responsables sont identifiés; leur manière d'appliquer les ordres reçus du centre s'y révèle au grand jour.
L'étude que nous consacrons ici aux Arméniens de Samsoun vise précisément à mettre en lumière les conséquences économiques et sociales de la disparition des Arméniens de la ville. Sur leur déportation, nous ne connaissions jusqu'à présent que quelques documents, surtout allemands1, nous précisant ses conditions. D'où l'importance de l'abondante correspondance, en français, laissée par l'agent consulaire américain à Samsoun, William Peter2. D'autant que l'essentiel des documents consulaires américains a été détruit à la demande du State Department au moment de l'entrée en guerre des Etats-Unis, en 1917. Comme le note le consul américain à Alep, J. B. Jackson, «[...] There was no other alternative, however, for I had had the terrible example of the failure of the French Consul-General at Beirut, Syria, to do likewise, as a result of which his archives had been seized by the Turks and more than sixty estimable men of Syria were exposed and hanged, and some 5,000 more were deported and all had their property confiscated by the Turkish Government. With this before me I did not intend that any act of omission of mine should be the cause of a like catastrophe»3.
Probablement sujet suisse, celui-ci prend ses fonctions d'agent consulaire de Samsoun au printemps 19154 et se trouve en outre, en qualité de représentant d'un pays neutre, chargé des intérêts anglais, français, russes, italiens, etc.
Déjà très occupé à la défense des intérêts commerciaux et du patrimoine dont les pays en question étaient détenteurs dans la région de Samsoun5, W. Peter voit soudain surgir, selon ses propres termes, une «question arménienne» à la fin du mois de juin 1915. Celui-ci était d'abord resté perplexe devant les «mesures de déplacement vers l'intérieur» de la population arménienne. Certains signes laissaient pourtant présager l'imminence d'une opération des autorités turques. Une lettre du consul américain à Trébizonde, Oscar Heizer, en date du 11 mai 1915, indiquait en effet à W. Peter que «Upon instructions from the Embassy I enclose herewith copy of a Note Verbal from the Sublime Porte dated April 18th requesting that American Consular officers refrain from making trips into regions in which the Imperial Ottoman armies are operating»6. Cette «circulaire, note verbale» de la Sublime Porte, datée du 18 avril 1915, était susceptible de tromper les moins perspicaces: «Sur une communication du vice-commandant de l'Armée impériale, le ministère des Affaires étrangères a l'honneur de prier l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique d'avoir l'obligeance d'adresser à messieurs les consuls américains les instructions nécessaires afin qu'ils veuillent bien s'abstenir d'effectuer des voyages dans les zone[s] où les armées impériales ottomanes se livrent à des opérations dans un but déterminé»7. Qu'étaient donc ces «opérations [menées] dans un but déterminé»? La réponse arrive le 26 juin 1915, lorsque W. Peter télégraphie à l'ambassadeur Henry Morgenthau — comme sans doute tous les consuls ou agents consulaires américains à cette même époque — que les «Autorités exigent internement Arméniens, femmes, enfants. Mesure étant trop grave, prière intervenir auprès gouvernement pour laisser libre personnes innocentes»8. Deux jours avant, Peter avait déjà câblé que: «Autorités exigent internement Arméniens [sous] protection américaine, stop. En outre autorit[é]s demandant remise clefs couvent, église latine, instruisez. Peter»9. Exigences qui ne pouvaient pas manquer de heurter les diplomates américains en principe chargés de protéger leurs nationaux, même si ces derniers avaient une ascendance arménienne10.
Bien que représentant un pays neutre, l'agence consulaire américaine de Samsoun est de plus en plus étroitement surveillée. Obsédées par le souci de garder le secret le plus absolu sur les opérations en cours visant les Arméniens, les autorités locales tentent de limiter au maximum les communications avec l'ambassade. En août 1915, Peter se frotte même au mutasserif de Samsoun qui «a dû avoir reçu des instructions de Sivas de ne plus accepter mes lettres fermées... Je vous aurais communiqué télégraphiquement la chose, mais ma dépêche n'aurait certainement pas été passée. Mes deux tournées à Merzifoun ont éveillé chez les Turcs l'idée que je n'y étais allé que pour les Arméniens, pour me convaincre de la chose en lieu et place. Ceci a du reste été dit par le caïmakam de Merzifoun à un de mes amis turcs...»11.
Il n'est pas moins intéressant de constater, à travers cette correspondance, comment un agent consulaire qui, dans un premier temps, n'a pas une vision globale des événements en cours, modifie progressivement son vocabulaire relatif à l'extermination des Arméniens: d'abord convaincu de la véracité des déclarations des autorités locales grâce à la mise en scène du départ des déportés arméniens de la ville sur des chars à boeuf, il écrit, dans son rapport du 27 juin 1915, que «Sur ordre de Constantinople, le Mutessarif a décrété le jeudi soir 24 c[ouran]t que, dans l'espace de cinq jours, la population, sans distinction de position sociale, secte religieux [sic] et protection étrangère, devait quitter la ville et se préparer à un exil. Cet ordre spontané et rédigé d'une extrême sévérité a non seulement consterné et plongé dan l'angoisse tous les Arméniens, mais aussi fortement touché les sentiments humanitaires de tous les autres chrétiens et une forte partie des musulmans qui possèdent un jugement droit — malheureusement pas chez tous», et trouve particulièrement cruel «une expulsion au moyen de voitures de charge, [des] femmes, enfants, vieillards, avec prescription de ne rien pouvoir vendre pour former moyens pécuniers pour subsistance durant le trajet et dont durée et destination sont inconnu[e]s»12. Le 10 juillet, il est déjà plus catégorique et annonce qu'«on a formé des groupes d'Arméniens mâles et qu'on les a tous fait massacrer par des paysans. Contre les femmes et enfants, on va certainement prendre des mesures de telle sorte que ces créatures vont mourir de faim ou de désespoir, horrible carnage ressemblant à cette époque où on a débarrassé Constantinople des chiens pour les laisser crever sur une île!»13. Dans son rapport du 26 août, ses informations se font plus précises: les déportés de «Samsoun, Amassia, Merzifoun, tous arrivés jusqu'à Amassia. Après, hommes séparés, ligotés, une partie des hommes assommés entre Amassia, Turchal, Tokat. Tout ce qui est arrivé à Tokat a été dirigé de Tokat à Tschiflik ou Gischgischa et massacré. Les femmes et les enfants furent apportés par charrettes-boeufs jusque Scharkysschla [=Sari-Kichla, entre Sivas et Césarée] et après envoyés à pieds à Malatia par des détours, puis jetés ensuite dans le Kyrk Gös ou Euphrate»14. Dans le même document, malgré son habituelle réserve de ton lorsqu'il s'adresse à l'ambassadeur, il laisse éclater son indignation en ces termes: «Si la Turquie n'est en général pas à la hauteur en fait d'organisation et de talent, cette fois-ci où il s'agissait de massacres, vols, etc., elle a montré un savoir-faire bien combiné et bien accéléré. D'expédier dans l'autre monde en peu de temps des centaines de milliers de créatures, il n'y a que le Turc qui [en] soit capable. Veuillez croire...»15.
En deux mois, William Peter semble ainsi avoir pris la mesure du génocide que les Turcs ont mis en oeuvre au printemps de 1915. Sa correspondance apporte également de précieux enseignements sur les méthodes employées par les autorités pour maquiller le génocide. Dans un premier temps il est en effet question d'expulser provisoirement la population arménienne vers «l'intérieur», jusqu'à Amassia, au moyen de chars à bestiaux, afin de conforter les témoins étrangers dans leur opinion qu'il ne s'agit là que de mesures préventives, certes pénibles, mais pas inhumaines, rendues nécessaires pour la sécurité du pays. Durant cette première phase, les Arméniens catholiques et protestants, dont le sort intéresse tout particulièrement certains consulats occidentaux, ne sont pas épargnés, mais les autorités laissent planer le doute à leur sujet jusqu'à la dernière minute. Seul «celui qui veut se convertir à l'islam doit pouvoir rester ici, cette décision du gouvernement n'ayant d'autre but que de faire disparaître le nom arménien»16. Mais il ne faut pas attendre plus de quinze jours pour que «même les personnes converties, suivant dire du mutessarif, ne pourront rester ici et devront se rendre à Trébizonde, Kérassounde, Merzifoun, Baffra, etc., etc. Les Turcs travaillent beaucoup à la conversion. Une grande partie des personnes parties voudraient bien [suivre] l'exemple des environ 150 familles converties, mais il paraît maintenant que c'est trop tard et qu'on se refuse de les faire retourner ici, même s'ils embrasseraient l'islamisme»17. Quant aux «sujets américains [d']ancienne origine arménienne, [ils] seront probablement expulsés» dit Peter dans un télégramme à Morgenthau du 4 juillet 191518.
Commence alors une seconde phase, plus longue, visant à achever le travail, c'est-à-dire à déporter ceux qui avaient été épargnés jusque-là ou avaient réussi à échapper aux rafles. Elle est particulièrement révélatrice de la volonté des autorités de parfaire le travail en s'acharnant méthodiquement à traquer les quelques individus qui avaient pu profiter d'une quelconque protection. On ne compte plus, dans les archives de l'agence consulaire de Samsoun, les courriers échangés avec Constantinople concernant tel ou tel «protégé» menacé. Il suffit, pour illustrer l'acharnement et le cynisme déployés par les autorités turques, de présenter le cas d'un seul homme, le drogman du consulat de Russie à Samsoun, un certain G. Tokatlian. Dans un premier temps et sur l'insistance de l'ambassade américaine — chargée des intérêts russes —, celui-ci a été assigné à résidence à Césarée, tandis que ses «deux fils, Hra[t]chia et Michel, se trouvaient chez la soeur de Mr. T[okatlian]. Au début de la déportation arménienne, le mutessarif avait promis de laisser ces deux enfants ici, mais, après, il voulait soudainement les expédier à Urfa et ce n'est qu'à grand'peine que j'ai pu obtenir qu'ils restent à Samsoun. Pendant mon absence à Merzifoun, le mutessarif les a quand-même fait déporter et aujourd'hui on ne sait pas où la soeur se trouve avec les deux enfants...»19. Nous sommes alors en décembre 1915 et Tokatlian est encore vivant. Quelques mois plus tard, en octobre 1916, W. Peter informe l'ambassadeur américain qu'il envoyait jusqu'alors à Tokatlian «son traitement usuel par la Banque impériale ottomane de Sivas, soi à fin juin. Par contre, l'argent de juillet me fût retourné et la Banque m'écrit que Tokatlian avait quitté Césarée depuis deux mois, sans laisser de nouvelles...»20. Tokatlian avait en effet «quitté» Césarée, en compagnie de ses gardiens, dans la courant de juillet. Abram Elkus confirme même à Peter «in reply to your enquiry relative to Messrs Simeonidès and Tokatlian, formerly dragomans of the russians consulates at Samsun, I have to inform you that the Embassy has receveid a report stating that about July 9th last they were sent in chains from Cesarea to Bunian. From there they started under guard towards Azizié. Nothing more has been heard from them except that it is commonly reported that they were killed at a place near Burian [sic pour «r»]. There are strong reasons to suppose that this was the case, although the local Government states that they were to have been deported to Der-Zor...»21. Cas parmi d'autres qui démontrent l'obstination des autorités ottomanes à supprimer les Arméniens en tempérant au besoin leur action dans un premier temps, afin de calmer les protestations, pour enfin, le moment opportun venu, achever leur besogne.
La tâche de l'agence consulaire de Samsoun consistait aussi à répondre aux demandes d'informations formulées auprès des ambassades ou consulats américains par des parents d'Arméniens établis à Samsoun avant les déportations. Les dossiers conservés aux National Archives de Washington D.C. sont pleins de ce genre de lettres, dont les réponses sont le plus souvent identiques: «Prières de vouloir bien communiquer à M. Grégoire Khérian, à la direction de la Société des transports internationaux de votre ville, que la famille Mourad Khérian a été envoyée à l'intérieur avec bon nombre d'autres familles arméniennes»22. Ou encore, en réponse à une demande d'information de l'American Diplomatic Agency du Caire: «J'ai l'honneur de vous informer que Mme Filomenich G. Hékimian, avec sa fille, ainsi que Mme Antoinette M. Hékimian, née Missir, se trouvent à Alep chez Mr Nourian. Deux enfants de Mme Antoinette Hékimian sont morts en route. On ne sait rien sur le sort des hommes, Onig, Mygerditch [pour Meguerditch] et [H]agop, et on suppose qu'ils ont pris le chemin que tant d'autres ont dû prendre...»23.
Dans quelques rares cas, l'agent consulaire parvient à sauver une personne, en rusant avec les autorités locales. Ainsi fait-il passer Koharik Cambérian, la soeur d'un sujet roumain, pour roumaine, sinon «elle aurait été aussi déportée, respectivement qu'elle aurait perdue sa vie à l'intérieur... C'est pour sauver une vie humaine que nous avons dû recourir à ces démarches et il serait bon que cette personne ait un passeport en mains»24.
L'un des gros dossiers à gérer par les agents consulaires américains concerne les conséquences économiques de la guerre et notamment les créances laissées par les Arméniens. La vie économique de Samsoun, encore vivace malgré la guerre, semble s'être soudain arrêtée à la fin du mois de juin 1915 et l'on peut lire à ce sujet des lettres qui ne manquent pas de sel. Le siège social de la Banque de Salonique, situé à Constantinople, tirant les conséquences de la déportation des Arméniens, informe, dès le 6 juillet, ses correspondants «que monsieur J. Zékian, ci-devant caissier de notre succursale de Samsoun, s'étant volontairement retiré de notre établissement, sa signature pour notre banque a cessé d'être valable»25. Certes, tous les Arméniens n'ont pas l'élégance de quitter leur charge «volontairement». La plupart sont partis sans laisser d'adresse. Ce qui provoque des échanges épistolaires quelque peu surréalistes, concernant notamment une société américaine du Richmond qui harcèle l'agent consulaire Peter car une cinquantaine de familles de la bonne société arménienne de Samsoun, ayant loué des pianos à celle-ci, ne payent plus leurs mensualités depuis juillet 1915. Les administrateurs du Richmond, sans doute peu au fait des péripéties de la guerre dans cette partie du monde, exigent donc de récupérer au plus vite leur bien. On devine aisément les termes de la réponse de W. Peter qui confirme que ces gens ont été déportés et sont probablement morts26 et qu'en outre «Les maisons privées des Arméniens, ainsi que magasins et dépôts ont été scellés par le gouvernement, mais on a déjà commencé à loger les émigrants dans bon nombre de ces habitations qui sont dépouillées par ces gens»27. Propos qui illustrent un autre des enjeux du génocide: l'acquisition des biens arméniens par les autorités centrales ou locales et les personnes privées.
Les documents consulaires américains de l'agence de Samsoun abordent un autre sujet épineux: la question des assurances vies contractées par des Arméniens auprès de compagnies anglaises (TheStar et l'Equitable28 de Londres), américaine (la New York Life Insurance Company29), hongroise, etc. Dans la plupart des cas, les demandes d'indemnisations formulées par W. Peter auprès de ces sociétés aboutissent à une même réponse: «nous vous prions de noter que la police d'assurance ci-dessus se trouve être déchue par suite du non paiement de la prime...». Peter ne manque pourtant pas de faire valoir que tel unique survivant d'une famille est actuellement dans le plus grand dénuement dans un coin des déserts de Syrie et qu'en versant une indemnité, «les compagnies feraient en tout cas une bonne oeuvre»30. Cette question fait même l'objet d'une circulaire adressée le 29 décembre 1915, par le ministère du Commerce ottoman, à toutes les compagnies d'assurances opérant en Turquie et concernant les comptes courants des Arméniens «transportés ailleurs». Il s'agit en effet de compléter les dispositifs en vigueur pour achever l'accaparement de tous les biens arméniens: «Par ordre du ministère de l'Intérieur, vous êtes tenues à nous remettre une liste où figureront les dépôts, créances et les gages des Arméniens auprès de votre compagnie et se rapportant aux provinces de Rodosto, Adana, Djébel[-]i Bereket, Kozan... Samsoun...»31.
Dernier aspect retenant l'attention de l'agence consulaire américaine de Samsoun, le sort fait à l'Anatolia College et à son hôpital. Etablissement américain directement géré par la American Board of Commissioners for Foreign Missions, présidée par le Rev. James Barton32, mais essentiellement fréquenté par des élèves arméniens et servi par un personnel enseignant et un corps médical de même origine, l'Anatolia College constituait un cas particulier. Aux yeux des autorités turques, il ne fait aucun doute que le College était considéré, sinon comme appartenant aux Arméniens, pour le moins destiné à ces derniers — bien qu'il soit l'uniquement établissement médical de la région digne de ce nom et malgré le fait qu'il soignait indistinctement tous les malades, quelle que soit leur appartenance religieuse — et, par conséquent, devait subir le même sort que les milliers d'établissements scolaires et médicaux véritablement gérés par les Arméniens: la confiscation. Côté américain, notamment à l'ambassade de Constantinople, l'établissement était considéré comme propriété américaine et il n'était évidemment pas question d'accepter le moindre empiètement des autorités. Dans une lettre adressée au caïmakam de Merzifoun/Marsovan, les Drs White et Marden, responsables du College et de l'hôpital, rappellent à celui-ci que «the Embassy telegraphs that necessary and precise orders have been given, by the Ministry of the Interior and by the Pasha the Minister of War to the local authorities, assuring in definite form the protection of our institution, the College, together with all the persons connected with it without exception»33. Refusant de faire une exception pour l'Anatolia College, l'administration turque exige que tout le personnel arménien et les élèves soient déportés avec leurs compatriotes de la ville. Dès lors l'affaire remonte jusqu'au vali de Sivas, auquel les Drs Marden et White adressent le télégramme suivant:, «On the ground that it is necessary for all Armenians to go to an appointed place, the kaimakam had informed us regarding certain of our workers, ministers and professors, who have been many years in our congregation and are graduates of advanced schools... that the local government has no authority to give them exemption»34. Parallèlement à ces démarches, Marden et White tentent le même jour d'adresser un télégramme à l'ambassadeur américain Morgenthau. Mais le caïmakam de Merzifoun refuse de transmettre ce document qui rappelle «that the employees of our Hospital would be included in the general despatch of Armenians to an appointed place» et que «if these persons are sent away without regard to the needs of institution, all our buildings for philanthropic purposes and our place of worship for religious exercises will be closed and useless»35.
Peu après, le 31 juillet, William Peter arrive à Merzifoun pour tenter d'infléchir les autorités locales, en l'occurence le caïmakam Faïk bey, pour éviter aux Arméniens qui travaillent au College la déportation. Le détail de ses entrevues avec le caïmakam est scrupuleusement consigné par l'agent consulaire dans les dépêches qu'il adresse à H. Morgenthau et que nous publions en Annexe II (doc. V-IX). Il n'y a pas lieu ici de reprendre par le menu toutes les péripéties qui aboutissent à la déportation du personnel enseignant et soignant arménien, ainsi que des girls school, les fillettes arméniennes du College35bis. Les dépêches de Peter sont suffisamment éclairantes à cet égard.
Par contre, il nous paraît intéressant d'observer avec quelle rigueur les autorités locales appliquent les ordres de Constantinople, tout en organisant un véritable «racket» visant à s'approprier les biens des Arméniens avant de les envoyer en déportation. Certes, il y a une tradition bien ottomane du bakhchich à laquelle les populations arméniennes s'étaient adaptées. On note toutefois qu'en cette occasion les sommes «recueillies» par les fonctionnaires turcs sont véritablement astronomiques. Il suffit de lire cet extrait du rapport de Peter pour s'en convaincre: «Tous les trois, caïmakam, commandant de gendarmerie et bélédier, consolent les Arméniens à ce qu'ils puissent rester en place, tout en leur ecroquant le plus d'argent possible et quand il n'y a plus rien à prendre, on expédie les gens. Emin bey remarqua que ce trio avait englouti de 35 personnes bien situées au moins Ltq. 500 par tête, ce qui fait environ pas moins que la jolie somme de presque Ltq 17 500. Le tout ensemble, on peut évaluer à Ltq. 20 à 30 000 l'argent qu'ils ont encaissé des Arméniens»36. Témoignage qui prend du relief avec ce qui suit: «Le caïmakam a en outre fait interner quelques centaines d'Arméniens dans un couvent arménien et lesquels on dépouille encore le plus possible pour les expédier après. Ces gens ne doivent rien recevoir en fait de nourriture et des maladies ont fait leur apparition. [Le] Dr Marden voulait envoyer une infirmière, ce qui fût refusé»37. Méthodiquement organisé, ce «racket» local devait effectivement déplaire au centre. Mais sans doute pas pour des raisons d'éthique publique, et plutôt parce que la direction du parti jeune-turc avait elle-même organisée à son profit — officiellement au nom de l'Etat ottoman — un système de collecte des biens arméniens et que par conséquent ces «francs- tireurs» étaient des concurrents déloyaux travaillant pour leur propre compte. Cette concurrence peut expliquer que le commandant militaire de la place, Emin bey, montre tant de compréhension à l'égard des plaintes formulées par Peter contre les trois associés qui détiennent l'essentiel du pouvoir à Merzifoun: le caïmakam, le Bélédier et le commandant de la gendarmerie. On peut également expliquer l'attitude négative de l'officier — encourageant vivement l'agent consulaire américain à informer son ambassade du «racket» — par le fait qu'il n'a pas été associé à leur larcin. Sans doute espère-t-il ainsi que les autorités centrales, elles-mêmes corrompues, puniront comme il se doit ces hauts fonctionnaires indélicats.
Cette série de documents confirme, s'il en était besoin, que les autorités turques visent alors à liquider tout ce qui est arménien, sans faire d'exception. Rien ne peut en effet justifier l'acharnement dont les fonctionnaires turcs font preuve, y compris contre des enfants, sinon cette volonté d'extermination totale. «J'ai rencontré en route [vers Merzifoun] de nombreux groupes d'Arméniens, la plupart seulement des femmes et enfants qui devaient presque tous faire le trajet à pieds, pour camper la nuit en plein air, vu qu'on ne laisse pas entrer dans les hans. A Kavsa, on avait retenu tous les petits enfants des premiers transports et on les avait répartis dans des familles turques, mais un ordre est arrivé plus tard qu'aussi les enfants devaient être expédiés et j'ai vu sur des charrettes de transport des 10 à 12 enfants serrés les uns à l'autre [sic] et qu'on envoyait ainsi, sans qu'on se soit occupé de nourriture»38.
Le crime de génocide apparaît encore plus délibéré lorsqu'on compare le sort fait par les Turcs à la population arménienne et le traitement infligé aux Grecs en janvier 1917. Dans le premier cas, femmes, enfants et vieillards, vivant dans une zone éloignée du front de plusieurs centaines de km et dont la population arménienne est très minoritaire, sont envoyés à la mort. Dans le second cas, ainsi que l'écrit Peter dès le 9 décembre 1916, «j'ai appris, de source sûre, que pour des raisons militaires on allait expédier tous les Grecs de la côte d'Anatolie à l'intérieur, à une distance de 50 km de la rive de la mer Noire. Cette mesure a dû avoir été prise par le gouvernement parce que beaucoup de déserteurs grecs se trouvent dans les montagnes et lesquels ont pu se mettre en relations avec la flotte russe». Il ajoute cependant: «Je conçois que, pour des motifs de sécurité militaire, on n'aie rien à objecter contre l'ordre d'expulsion à l'intérieur, mais je crains fort qu'une seconde question arménienne surgisse sur le tapis». Plus loin, il tempère lui-même ses propos en annonçant qu'«on donnerait aux expulsés un terme d'un mois pour qu'ils puissent disposer librement sur leurs intérêts. L'ambassade d'Allemagne doit avoir aussi invité ses représentants de surveiller la chose au mieux pour qu'il n'arrive pas des irrégularités»39. Cette différence de traitement se confirme lorsque «la déportation de la population grecque commence le 9 janvier [1917]», même si «les habitants de Kadi-Keuï et Elias-Keuï furent expédiés subitement, sans pouvoir prendre la moindre des choses avec eux [et que] les maisons ont été ensuite pillées par les soldats». D'autant que «dans la ville-même, les hommes seuls furent envoyés et leurs femmes et enfants, etc., sont, pour le moment, en tranquilité». Effectuées en plein mois de février, ces déportations soulèvent néanmoins l'indignation de l'agent consulaire, qui pense «qu'au moins la moitié des déportés va mourir; c'est simplement l'extermination de la population chrétienne d'Anatolie et je ne puis pas comprendre comment l'Allemagne peut tolérer pareille chose»40.
En organisant l'extermination des Arméniens et la déportation des Grecs, les Jeunes-Turcs poursuivent un objectif supplémentaire: le départ des Européens établis dans l'empire et notamment dans les provinces. En supprimant les populations chrétiennes, ils pensent, à juste titre, que les établissements scolaires et médicaux installés en Asie Mineure apparaîtront rapidement sans objet et que leurs initiateurs s'en retourneront dans leur pays — le cas de l'Anatolia College et de son hôpital est suffisamment éclairant à cet égard. Pour accentuer ce processus, la Sublime Porte enlève même aux ambassades leurs instruments de communication avec les autorités et décrète, dans une note verbale, datée du 21 janvier 1917, que «les drogmans et cavas des consulats étrangers établis dans l'empire ne pouvant plus remplir leurs fonctions, aucun employé de ces consulats n'est reconnu par les autorités impériales en cette qualité»41.
Raymond H. Kévorkian -Ara Sarafian
«Concerne expulsion Arméniens»
Excellence, J'ai l'honneur de me référer à mon rapport du 27 de l'écoulé. Jusqu'à présent, environ 150 familles se sont converties à l'islam et le reste a été expédié à l'intérieur. A Samsoun même, il y avait environ 5 000 Arméniens qui furent transportés dans de tristes conditions: ça veut dire que, manque de voitures, on se servait de charrettes de charge, femmes, enfants séparés du chef de famille. En somme tout ce qu'il y a de plus terrible. Même les personnes converties, suivant dire du mutessarif, ne pourront rester ici et devront se rendre à Trébizonde, Kérassounde, Merzifoun, Baffra, etc., etc. Les Turcs travaillent beaucoup à la conversion. Une grande partie des personnes parties voudraient bien [suivre] l'exemple des environ 150 familles converties, mais il paraît maintenant que c'est trop tard et qu'on se refuse de les faire retourner ici, même s'ils embrasseraient l'islamisme. On me dit qu'à l'intérieur on a formé des groupes d'Arméniens mâles et qu'on les a tous fait massacrer par des paysans. Contre les femmes et enfants, on va certainement prendre des mesures de telle sorte que ces créatures vont mourir de faim ou de désespoir, horrible carnage ressemblant à cette époque où on a débarrassé Constantinople des chiens pour les laisser crever sur une île!
Les maisons privées des Arméniens, ainsi que magasins et dépôts ont été scellés par le gouvernement, mais on a déjà commencé à loger les émigrants dans bon nombre de ces habitations qui sont dépouillées par ces gens.
Il reste aussi à savoir qu'est-ce que le gouvernement va faire concernant la question des créances, etc. Le mutessarif m'a promis toutefois qu'une commission serait nommée pour établir les dettes existantes, mais jusqu'à ce que cela arrive à exécution, on ne trouvera plus rien.
Il se trouve en[tre] autres la maison Hochstrasner et C ie (Suisse) connue comme étant sous protection américaine et laquelle a à recevoir beaucoup de négociants arméniens. J'ai donné la liste des créances au mutessarif. Cependant, il serait bon que Votre Excellence fasse des démarches auprès du ministère pour qu'il soit donné des instructions sévères au mutessarif d'ici à seule fin que les intérêts américains soient bien sauvegardés. J'ai eu à cette effet des entretiens avec les consuls allemands et autrichiens, mais les circonstances que [sic] nous nous trouvons, on ne peut rien obtenir de satisfaisant s'il n'y a pas de pression d'en haut.
Je serais spécialement reconnaissant à Son Excellence si elle voulait bien intervenir auprès du gouvernement pour la mise en liberté des familles GarabeT Missirian et Bodossian, ce dernier directeur de la maison Missak Missirian-fils, respectivement qu'elles puissent retourner ici, car Missirian est un homme d'une honnêteté sans pareille et qui ne s'est jamais mêlé de politique, à ce point que je serais prêt de garantir [sic] pour lui. Comme le gouvernement a grâcié deux Arméniens, Manass et Papazian, j'aime à espérer qu'il réussira à Votre Excellence d'obtenir la même faveur pour les deux familles respectables dont je me suis permis de faire mention, en voulat bien soigner le nécessaire pour qu'il soit donné des instructions par fil au mutessarif au cas de réussite, bien à souhaiter. Veuillez.... Peter.
«Concerne cavase [«huissier»] Ohannès Basmadjian»
Excellence, J'ai l'honneur de vous informer que le prénommé s'est converti à l'islam, mais que comme tel, ainsi que tous ceux qui ont embrassé cette religion, doit quitter Samsoun demain et se rendre à Ouniah, lieu d'internement désigné pour lui, tandis que les autres convertis sont envoyés à Fatza, Baffra, etc., soit dans le sandjak de Samsoun.
Comme Basmadjian est très versé dans les affaires de cette agence consulaire et que son départ nuirait à la bonne marche de cette office, dont les affaires ont augmenté, je serais reconnaissant à Son Excellence si elle voudrait bien intervenir auprès de qui de droit pour qu'on permette au cavass de rester, respectivement de retourner à son poste, au besoin qu'on le surveille, bien que ce soit une personne des plus paisibles qui ne se mêle pas de politique. Veuillez... Peter.
(la première partie concerne l'Anatolia College et se trouve donc publiée en Annexe II, doc. 6)
Abordant la question des Arméniens-mêmes, je vous communique que, comme écrit le 12, j'avais fait une petite escapade à Attabey pour m'intéresser davantage sur ce sujet. Comme je le tiens de personnes de confiance, il n'est rien arrivé aux Arméniens depuis Samsoun jusqu'à Amassia. Le mutessarif d'ici s'est montré très correct, a donné aux gendarmes strictes instructions qu'on devait ménager ces gens avec grands soins et que tout écart serait sévèrement puni. Il a même fait accompagner les group[e]s par le commandant de gendarmerie, Latif bey, jusque Kavak et lequel a regardé en route pour ces personnes et les Arméniens en sont reconnaissants à ces deux personnages.
A Amassia, les hommes ont été séparés des femmes, ligotés par groupe de cinq et nuitamment éloignés, mais où? Ceci savent les dieux seuls. Aux environs d'Amassia, il doit se trouver dans un puit de 50-60 cadavres; aux alentours, on trouva une masse d'habits déchirés, fez, papiers, etc. On a ramassé une partie de ces derniers dont je vous envoie trois pièces qui vous donnent la meilleure preuve. Non loin d'Amassia, il doit exister en outre un tombeau commun pour environ 400 cadavres. Un certain aditti, inspecteur de la Dette publique qui a voyagé tout l'intérieur, m'a donné confidentiellement les détails suivants sur la question:
1 — Samsoun, Amassia, Merzifoun, tous arrivés jusqu'à Amassia, après hommes séparés, ligotés, une partie des hommes assommés entre Amassia, Turchal, Tokat. Tout ce qui est arrivé à Tokat a été dirigé de Tokat à Tschiflik ou Gischgischa et massacré. Les femmes et les enfants furent apportés par charrettes-boeufs jusque Scharkysschla et après envoyés à pieds à Malatia par des détours, puis jetés ensuite dans le Kyrk Gös ou Euphrate.
2 — Tokat. Le même sort que ci-haut, avec différence toutefois que les jolies femmes et les enfants furent cachés dans des maisons turques.
3 — Erbaa, Xixar, Massoudieh. Les hommes ligotés durant la nuit et expédiés, puis en partie jetés dans la rivière kelkit. Le restant massacré près de Tokat. Femmes et enfants, voie Scharkyschla, Malatia, même sort que n° 1.
4 — Scharkyschla, Gemereck, Azizieh, Görun, Derendeh. Le tout à pieds Malatia avec détours, même sort.
5 — Sivas, Divrik, Kangal, par charriots de boeufs jusque Kangal, après tous à pieds pour Malatia; hommes massacrés en route, reste même sort.
6 — Egin, Arabkir, Keban, Kharpout, Malatia, même chose.
7 — Karahissar, Souchehir, Zahra, Chavik, tous massacrés.
8 — Ersinguian, Kamach, [p]artie massacrée, reste jeté dans l'Euphrate.
A Malatia doivent être des bandes de Kurdes de Tersin qui soignent l'affaire. Tous ces gens sont naturellement dépouillés avant... Veuillez... Peter.
«Concerne question arménienne»
Excellence, Me référant à mes précédentes communications, j'ai l'honneur de vous communiquer que le mutessarif d'ici Nedjmi bey a été transféré à Angora comme remplaçant du vali et que comme nouveau mutessarif, on attend celui de Sinope.
Nedjmi bey est parti la semaine passée et, depuis, plusieurs femmes arméniennes qui étaient cachées par ci par là ont reparu.
L'ex- mutessarif était contre moi à cause de mes deux tournées à Merzifoun et comme je me suis mêlé dans cette question arménienne, il était encore plus exaspéré et il ne m'a pas fait de visite à l'occasion de son départ, ce qui me laisse en somme très froid.
Plusieurs Arméniens ont déposé chez moi, avant leur départ, de l'argent et des bijoux, etc., et je reçois de temps à autre des demandes d'argent des déportés, respectivement de leur famille, depuis Haza, Kangal, etc., par dépêche. Les Turcs ne savent naturellement rien de ces dépôts, mais ils doivent comprendre de par ces dépêches, ce qui doit les rendre furieux. Il est loin de moi de me mêler dans les affaires intérieures de la Turquie, mais dans une chose pareille basée simplement sur vol et assassinats, il faut sauver ce qui peut être sauvé. Les dépêches de son temps, dans lesquelles il était communiqué que les protestants et les catholiques pouvaient rester, ont été retenues expressement, étant donné qu'on voulait totalement en finir avec les Arméniens. En fait d'hommes dans nos contrées, il ne doit y avoir que les quelques-uns qui se sont convertis à l'islam.
Si la Turquie n'est en général pas à la hauteur en fait d'organisation et de talent, cette fois-ci où il s'agissait de massacres, vols, etc., elle a montré un savoir-faire bien combiné et bien accéléré. D'expédier dans l'autre monde en peu de temps des centaines de milliers de créatures, il n'y a que le Turc qui [en] soit capable. Veuillez....Peter.
«Concerne Hôpital-Collège Merzifoun»
Excellence, Lors du séjour en cette ville d'un client de l'intérieur, j'ai appris que le caïmakam de Merzifoun faisait toutes les difficultés possibles aux Américains et qu'on voulait même enlever les infirmières arméniennes de l'hôpital. Comme là-dessus, je n'apprenais rien du Dr White du Dr Marden, j'ai demandé par fil au Dr Marden s'il en était ainsi, sur quoi il m'a répondu de vouloir bien me rendre immédiatement à Merzifoun. Il m'avait d'ailleurs adressé 3-4 lettres, dont aucune ne m'est parvenue. J'ai donc demandé à Trébizonde qu'on vous aura transmise, car sur votre dépêche du 27 juillet qui ne m'est parvenue que le 29 du même mois, je fis de suite mes préparatifs et je partis le 30 pour Merzifoun, où je suis arrivé le lendemain contre 4h pm.
J'ai rencontré en route de nombreux groupes d'Arméniens, la plupart seulement des femmes et enfants qui devaient presque tous faire le trajet à pieds, pour camper la nuit en plein air, vu qu'on ne laisse pas entrer dans les hans. A Kavsa, on avait retenu tous les petits enfants des premiers transports et on les avait répartis dans des familles turques, mais un ordre est arrivé plus tard qu'aussi les enfants devaient être expédiés et j'ai vu sur des charrettes de transport des 10 à 12 enfants serrés les uns à l'autre [sic] et qu'on envoyait ainsi, sans qu'on se soit occupé de nourriture, etc. C'est réellement incroyable de voir des choses pareilles.
Arrivé à Merzifoun, je me fis éclairer per les Américains sur la situation et les Drs Marden et White me dirent que le caïmakam voulait expédier tous les Arméniens qui se trouvaient au collège et à l'hôpital; ils ajoutèrent qu'alors ils devraient fermer ces instituts. Du reste, le caïmakam était contre les Américains.
Quand l'affaire des Arméniens a commencé, on a arrêté au collège les professeurs Manissadjian et Hagopian et on les a conduit en prison. Le lendemain, ils furent remis en liberté, après intervention, mais provisoirement seulement. Un ami, Mr Zimmer, qui a de grands biens à Attabey, près d'Amassia, alla lui-même à Merzifoun et obtint du caïmakam la permission de pouvoir prendre chez lui les professeurs Manissadjian et Dahlian, où ils s'y trouvent encore aujourd'hui. Pour pouvoir obtenir cette permission et pour que le gouvernement ne prenne pas aussi les autres professuers et emploiés [sic], les Américains ont dû graisser la patte au commandant de gendarmerie Mahir bey, en lui faisant remettre par leur avocat la somme de Ltq. 275. Les Américains croyaient qu'avec cette manière d'agir la question arménienne était chose réglée pour eux, mais ils se sont joliment trompés, car ce n'était que le prélude d'autres manoeuvres.
Comme il se trouvait au collège quelques domestiques, dont mères, etc., habitaient la ville, on est venu prendre ces gens au collège même, en leu faiant emporter avec eux leur bagage, etc. Le tout se passa avec l'assentiement du caïmakam et les Américains ne voulaient pas se mettre mal avec le gouvernement. Le caïmakam a ensuite déclaré que le collège avait pris chez lui toute une masse d'objets des Arméniens et qu'il s'y trouvait tout un tas de fugitifs. Les Américains m'[o]nt dit en outre que le caïmakam Faïk bey, le commandant de gendarmerie Mahir Bey et le chef de la municipalité (bélédier) Hussein Effi formaient une société qui tirait des Arméniens le plus d'argent possible.
Le dimanche matin contre 10h 1/2, je fis une visite d'étiquette au caïmakam en compagnie du Dr Marden. Je ne fis rien entrevoir de ce que je savais, mai quand il a su qui j'étais, il a été comme surpris, prévoyant rien de bon. Le caïmakam était très affable avec nous. Nous voulions ensuite visiter le commandant militaire, Emin bey et le commandant de gendarmerie, mais ils se trouvaient absents. LE dimanche soir, Emin bey a rendu sa visite et nous [en sommes] venus à parler de la question arménienne. Emin bey était de l'avis que les ordres de Constantinople devaient être exécutés sans distinction de personnes, mais qu'il ne pouvait approuver les manoeuvres du caïmakam. Tous les trois, caïmakam, commandant de gendarmerie et bélédier, consolent les Arméniens à ce qu'ils puissent rester en place, tout en leur ecroquant le plus d'argent possible et quand il n'y a plus rien à prendre, on expédie les gens. Emin bey remarqua que ce trio avait englouti de 35 personnes bien situées au moins Ltq. 500 par tête, ce qui fait environ pas moins que la jolie somme de presque Ltq 17 500. Le tout ensemble, on peut évaluer à Ltq. 20 à 30 000 l'argent qu'ils ont encaissé des Arméniens. Je fis naturellement comme si l'affaire ne me regardait pas, mais Emin bey me poussait pour ainsi dire à ce que je fasse un rapport à Constantinople, en ce sens qu'on nomme une commission du ministère de la Guerre et non du Mulkié et qu'on l'envoie sur les lieux. Emin bey serait en tous temps prêt à donner témoignage de ses assertions.
Le caïmakam a en outre fait interner quelques centaines d'Arméniens dans un couvent arménien et lesquels on dépouille encore le plus possible pour les expédier après. Ces gens ne doivent rien recevoir en fait de nourriture et des maladies ont fait leur apparition. Dr Marden voulait envoyer une infirmière, ce qui fût refusé.
J' ai demandé à Emin bey pourquoi est-ce que le caïmakam était ainsi contre les Américains, le collège, etc. Sur quoi il me répondit que le caïmakam était influencé par deux Arméniens, Kiremidjian et Doudian. Kiremidjian était le chef du comité arménien et un bon ami du caïmakam; il a tout trahi au gouvernement. Ensuite, il s'est converti à l'islam pour se lier encore plus avec le caïmakam pour quelle raison il a versé de grosses sommes, le tout à seule fin d'intriguer continuellement contre d'autres. C'est pourquoi il voudrait avoir les Américains hors de Merzifoun. Emin bey ajouta en outre que Hussein Effi, qui est bélédier reis depuis environ 3 mois, était auparavant soldat au service d'un officier élevé et qu'en somme aujourd'hui n'était autre que soldat, mais parvenu par des manoeuvres au poste de bélédier. Le prénommé n'avait alors pas un centime et maintenant, il doit avoir loué quelques moulins par exemple et être un homme riche.
Au cours de la conversation est arrivé l'avocat du collège, Ahmet effendi, lequel a confirmé en son plein les dires de Emin bey. Ahmet effendi était autrefois en bons termes avec le caïmakam, mais depuis qu'il est devenu l'avocat du collège, on se salue à peine. On a même poussé la chose plus loin en voulant expulser Ahmet effendi de Merzifoun et le citer devant le Conseil de guerre de Sivas, mais ce qui a quand même pu être évité.
Le caïmakam voulait me rendre sa visite le lundi 2 et, mais je me trouvais déjà en route pour cher lui, car j'avais l'intention de repartir le lendemain.
Comme j'avais connaissance de votre dépêche du 29 juillet au Dr White, je fis remarquer au caïmakam que j'étais chargé par l'ambassade de me rendre immédiatement à Merzifoun et de soigner le nécessaire pour qu'il ne soit pas touché aux intérêts des Américains. Le caïmakam répondit là-dessus qu'il enverrait tous les Arméniens qui se trouvaient au collège et à l'hôpital, nurses, etc. et qu'on ne pouvait rien y changer. Je lui fis entendre que dans cette affaire, les intérêts américains ne trouvaient en jeu et que d'ailleurs ces instituts n'apportaient que du profit au pays, soit qu'on devait faire une exception. Je fis en outre la remarque que le Dr Marden devrait alors fermer l'hôpital et que Merzifoun resterait alors sans secours médicaux. Le caïmakam n'était pas à porter à la moindre raison, car sur ma demande de soumettre le cas au vali de Sivas ou à Constantinople, il me répondit laconiquement que c'était à Constantinople de penser et pas à lui. Je lui fis remarquer qu'il était aujourd'hui caïmakam de Merzifoun et qu'il devait renseigner son gouvernement sur les choses qui se passent dans son rayon, mais cela ne voulait pas lui entrer dans la tête et [a] répété que que tous les Arméniens devaient être déportés. Sur mon exposé que les deux pays devaient s'efforcer réciproquement à marcher de bon accord et que s'il donnerait suite à ses intentions, les Américains devraient quitter Merzifoun, le caïmakam me déclara qu'il ne pouvait du reste pas comprendre ce que les étrangers avaient à chercher en Turquie. Ceci était quand même un peu fort de la part d'un caïmakam et je n'ai plus pu me contenir; je lui ai dit en pleine figure clairement mon opinion. Du tout, j'ai pu me convaincre qu'[o]n avait à faire ici avec une personne très fanatique qui travaille contre tout ce qui est européen. Je lui fis observer que j'allais vous télégraphier à cause du collège, etc. Et je vous ai effectivement cablé le même jour.
Votre dépêche du 3 c[ouran]t m'est arrivée le 6 seulement. Sur mes instances auprès du caïmakam, je devais entendre comme auparavant, soit qu'il n'avait pas d'instructions. Il ajouta que [les] Drs Marden et White étaient contre lui à cause de l'histoire survenue à l'hôpital, il y a deux ans, pour [une] question de soldats. Je lui fis remarquer que les Américains avaient été pleinement dans leur droit et qu'ils n'avaient jamais demandé de chose injuste. Les dépêches de son temps des Américains au vali de Sivas sont restées sans réponse et celui-ci n'est pas homme à dire du bien des Américains. Le caïmakam me fit encore remarquer qu'il ne pouvait comprendre les Américains qu'ils conservent le professeur Hagopian, qui était chef du Comité arménien. Là-dessus, je répondis que cet homme se trouvait déjà depuis 30 ans au service du collège et qu'il n'avait rien à faire avec la politique. J'ai ajouté que s'il en était ainsi, je ne comprenais pas le gouvernement d'avoir remis en liberté Hagopian alors qu'il se trouvait en prison. En somme, tout ce qui vient du collège, de l'étranger, rien ne vaut de bon pour les Turcs.
Dans l'intervalle (4-5 août), j'ai fait un petit tour sur la propriété allemande d'Attabey, située à 6 heures de voiture de Merzifoun, et, comme j'ai pu l'entendre là-bas, le caïmakam se serait une fois exprimé en ce sens qu'il ferait tout pour que la vie des Américains en Turquie, respectivement à Merzifoun, leur devienne insupportable, car, comme la guerre traine en longueur, la cause en est seulement à chercher dans la fourniture des munitions. On voit par là jusqu'où va le fanatisme de ce caïmakam.
Après mon retour de Merzifoun, je me suis orienté à gauche et à droite chez des Turcs et on m'a confirmé en général que le gouvernement avait escroqué des sommezs fabuleuses. Egalement me fut raconté le fait que le caïmakam voulait faire de l'hôpital le palais du gouvernement (konak).
Vos deux dépêches des 4 et 5 c[ouran]t ne me sont parvenues que le 8 c[ouran]t; le caïmakam les a retenues tout une journée dans sa poche. Sur mon observation, il donna une réponse négative. Comme je remarquais que le caïmakam vouulait prendre les choses à la légère, je lui ai fait parvenir mes instructions par écrit, appert copie ci-jointe.
Le 9 c[ouran]t, j'ai eu un nouvel entretien avec le caïmakam, avec le Dr White, et il m'a textuellement déclaré qu'il avait envoyé un rapport au vali sur l'affaire du collège, qu'il n'avait reçu aucune réponse et qu'il n'en recevrait pas, de même que du ministère de la Guerre et celui de l'Intérieur. Comme le tout m'était assez compréhensible et que je ne pouvais pas câbler le nécessaire depuis Merzifoun, j'ai jugé bon de rentrer spontanément et de vous communiquer le tout par fil. Mon opinion personnelle est que le caïmakam de Merzifoun et consorts sont des gens bien triste et qui n'ont absolument pas en vue les intérêts de leur propre gouvernement; aussi qu'ils font tout pour nuire aux Américains. Si l'expulsion doit avoir lieu, le collège comme l'hôpital devront se fermer et je me demande ce qu'il adviendra alors des immeubles. En tous cas, tous ces personnages devraient être punis très sévèrement, car si Enver pacha et Talaat bey vous ayant donné des assurances de circonstances, c'est en somme une honte pour eux si leurs ordres ne sont pas mieux pris en considération et exécutés. Aussi longtemps que les trois personnes en question resteront à Merzifoun, autant de temps les Américains n'y seront pas tranquilles et je vous prierais beaucoup de vouloir bien entreprendre les démarches les plus énergiques pour que le métier de voleurs soit enlevés à ces gens et qu'ils soient destitués.
Hôpital. La preuve que le gouvernement est contre les Américains est que les autorités ont estimé l'hôpital à Ltq. 15 000 pour l'impôt vergi. L'architecte du bélédier a fait en son temps une estimation de Ltq. 8 000 qui n'a pas été prise en considération. Sur quoi on a nommé une nouvelle commission. Celle-ci se composait entre'autre du célèbre bélédier-reis qui s'en tînt à Ltq. 15 000 sans avoir examiné de près le bâtiment. Il est impossible de trouver preuve plus éclatante.
Rapport sur collège et hôpital. Comme je l'ai appris indirectement, le caïmakam doit avoir indiqué dans son rapport au vali qu'au total il se trouvait 600 Arméniens dans le collège, ce qui ne répond pas à la réalité, car en tout ils sont seulement 220 personnes, ce qui n'est pas trop pour une installation pareille.
Dépêches. Drs Marden et White vous ont envoyé une dépêche le 4 juillet et les 4 et 8 du même mois, également télégrammes au vali de Sivas, sur lesquels ils n'ont jamais reçu de nouvelles. Inclus copies de ces dépêches.
Taxe téméttu . Les Turcs sont déjà à l'oeuvre pour l'encaissement des impôts, et White et Getschell doivent payer ensemble environ Ltq. 20. Je ne sais pas si la nouvelle loi prévoit ces impôts pour des écoles; en tous cas, j'ai conseillé à ces Mrs de payer pour ne pas avoir d'autres ennuis.
Terrains. Comme plusieurs terrains et maisons de la mission sont inscrits au noms d'Arméniens, dont inclus deux listes du Dr White, je vous prierais de vouloir bien tout essayer pour que ces immobiliers soient transférés au nom des Américains, d'autant plus que ces derniers ont avancé les fonds. Ceci doit avoir lieu déjà pour le motif que 2 maisons, Dahlian et Manissadjian, ont été scellées et qu'il ne me surprendrait pas que le caïmakam veuille y faire loger des soldats à seule fin de chicaner les Américains.
Quand on pense qu'après une cinquantaine d'années d'existence et de labeur ces messieurs ont apporté l'affaire à un si haut degré de perfection, cà veut dire tout ce qu'homme civilisé peut faire, on comprend l'amertume de voir le tout devenir pure ruine de telle façon; c'est pour cela qu'on doit protéger ces missionnaires au mieux, ce qui n'a pas besoin d'être spécialement rappelé, attendu que Votre Excellence sait protéger et faire valoir le prestige de l'Amérique.
Ces messieurs de Merzifoun sont instruits qu'ils aient à me tenir au courant des démarches que feront les autorités et devrait-il arriver n'importe quoi, je me rendrais immédiatement sur les lieux. Veuillez... Peter.
«concerne Hôpital-Collège Merzifoun»
Excellence, Je reçois à l'instant la lettre ci-jointe de Merzifoun, d'où je constate avec grand étonnement que le gouvernement à quand même procédé à l'expulsion. Cette lettre vous donne tous les détails voulus et je vous confirme ma dépêche que je viens de vous lancer: "Urgent. Arméniens trouvant collège ont payé au commencement 275 livres turques au caïmakam, commandant de gendarmerie, bélédier, espérant pouvoir rester. Maintenant caïmakam les a expulsés en partie dix août par force. Exige encore 2/300 livres pour laisser libres girls school. Prière entreprendre démarches nécessaires contre ces manoeuvres. Stop. Partirai demain. Instruisez urgent Merzifoun».
J'espère que vos démarches auront pleine réussite et qu'il sera mis fin aux agissements de ce trio à Merzifoun.
Comme je l'ai fait remarquer aux Américains, d'autres paiements sont superflus, car, à la fin, on va tout expédié [sic]. Je pars donc demain matin et attends alors vos futures instructions. Veuillez... Peter.
(la suite concerne plus particulièrement les Arméniens et se trouve publiée en Annexe I, doc. 3)
Excellence, Vous confirmant mon rapport du 12 c[ouran]t, j'ai l'honneur de vous confirmer que le 14 c[ouran]t je suis de nouveau parti pour Merzifoun, d'où je suis retourné le 24 c[ouran]t, ce que du reste je vous ai annoncé par fil.
Comme télégraphié, le gouvernement turc a enlevé le 10 c[ouran]t, soit desuite après mon départ, une partie des Arméniens qui se trouvaient dans le Collège et l'hôpital, et ce au moyen de 31 charrettes de boeufs. J'avais donné en son temps des instructions à ces messieurs de ne pas délivrer volontairement ces personnes et comme vous le verrez par la lettre du Dr White, on les a prises par la force. Après on a pris les Girls Schools et cette école comptait 63 personnes. Comme il ressort de la lettre du Dr White, l'avocat du Collège a fait comprendre qu'avec une somme de Ltq. 2/300 au caïmakam [et au] commandant de gendarmerie, il pouvait éventuellement sauver ces personnes, mais comme je ne pouvais pas admettre une pareille manière d'agir du Collège, je vous ai lancé une dépêche le 13 c[ouran]t vous rendant attentif sur les manoeuvres des autorités de Merzifoun. Comme il semble paraître, le caïmakam, le commandant de Gendarmerie et le bélédier-reis n'ont pu se mettre d'accord sur le partage de la somme, respectivement que le caïmakam n'a pas osé accepter une pareille somme des Américains et sur ces entrefaites on a expédié ces filles. On a voulu ensuite convertir ces filles à l'islam, ce à quoi elles se sont refusées et elles ont été expédiées du côté d'Amassia. Miss Gage, Willard et Dr White les ont accompagnées jusqu'à Amassia. A Amassia, on les a laissé[es] camper en plein air, vu qu'on ne laisse pas entrer dans la ville. L'accompagnement par les Américains depuis Amassia a été défendu par le mutessarif, en disant que les vessika de voyage établis à Merzifoun étaient sans valeur. Les Américains ont dû retourner à Merzifoun. Je leur fis remarquer qu'ils avaient simplement à demander du caïmakam un vessika pour Sivas, en indiquant qu'ils avaient à faire à la mission américaine de cet endroit. Le 16 c[ouran]t, les Américains ont essayé cela, mais le caïmakam ne voulait pas donner créance à cette demande et il leur fit la remarque que c'était le mutessarif d'Amassia qui avait à se prononcer là-dessus.Miss Gage [et] Willard sont alors parties de nouveau le 16 c[ouran]t pour Amassia. A Amassia, elles n'ont pu d'abord parler au mutessarif, se rendirent alors faire une visite à son harem où il est arrivé plus tard; elles purent le convaincre qu'il demande pour cela au vali de Sivas. La réponse vint aussi que le voyage à Sivas était permis. Miss Gage et Willard arriveront à Sivas en même temps que les 63 fillettes et elles veulent essayer auprès du valid'obtenir la permission de pouvoir les accompagner. Ces fillettes sont accompagnées d'un serviteur du Collège et renseignent ce dernier télégraphiquement de leur arrivée dans chaque endroit, à Sivas, Malatia, etc.
Il ne reste plus dans le Collège et l'hôpital que 52 personnes dont j'ai donné une liste au caïmakam, dont une copie incluse, en le priant de vouloir délivrer des vessika à ces personnes pour qu'elles puissent être tranquilles. Le caïmakam a envoyé cette liste au vali [de] Sivas et il m'a déclaré avant départ que ces gens pourraient en tout cas rester. Je suis par contre sûr et certain que l'opposé arrivera, vu qu'il s'agit d'un institut européen et qu'on veut rendre une vie des plus amères à tous ces gens. On voulait déjà les prendre entre les 18/19 c[ouran]t, mais comme j'étais présent, on ne l'a pas risqué.
Je vous ai cablé hier de vouloir bien prendre la permission pour les Arméniens restants pour qu'ils puissent rester à leurs postes, car autrement le Dr Marden se verrait obligé de fermer l'höpital, ne pouvant rien faire sans pharmacien et nurses.
Je suis de l'avis que, de par les procédés du gouvernement, aucune mission étrangère ne pourra plus subsister en Turquie, car sans élément chrétien, impossible d'exister. Les Américains sont de l'opinion que, si tous les Arméniens leur sont pris, ils devront aller en Amérique et vous demandent dévotement qui, en ce cas, serait garant de leurs propriétés? Je leur ai fait saisir, ce que du reste relate ma copie incluse de ma lettre à Merzifoun, qu'au moins deux familles devaient rester pour pouvoir surveiller le tout, vu qu'en immobiliers il y a plus de Ltq. 75 000 investies. Pour tous les cas, j'ai prié ces messieurs qu'ils envoient à vous et à moi un inventaire pour qu'on soit orienté sur le tout. Si ces personnes auraient vraiment l'intention de se rendre en Amérique, veuillez alors bien me faire savoir ce qu'il adviendra de l'hôpital et du collège; si je dois y mettre éventuellement 4-5 gardiens, ou bien quelles formalités seraient à accomplir. Je suppose fort que les Américains veuillent laisser cet institut en plan, mais en tous cas je désirerais être orienté là-dessus. Sans collège, l'hôpital pourrait à peine subsister, vu que tous deux travaillent pour le même but.
En venant sur ma dépêche du 12 c[ouran]t, je me permets de vous faire remarquer qu'Enver Pacha a télégraphié identiquement la même chose à Emin bey [à] Merzifoun (ceci naturellement sous pleine confidence) et le priait de suivre l'affaire et de donner immédiatement des renseignements. Emin bey s'est bien renseigné auprès du collège et a pris de 3 Arméniens qui se trouvaient encore là et lesquels essayaient participé [sic] à la formation des Ltq. 275. Ces quittances ainsi libellées: Mihran Dadérian Ltq. 15. - Boghos Piranian Ltq. 5. - Missak Ispirian Ltq. 5. - Les autres donateurs: prof. Mannissedjian, prof. Dahlian, prof. Mixarlian, prof. Hagopian, Mr Arossian, Mr Mirakian, Mr Kostschyan, Mr Nerso, Mr Gurekian, n'étaient plus présents, respectivement avaient été expédiés à l'intérieur.
Emin bey a pris des quittances d'autres personnes et a télégraphié en conséquence à Constantinople. Comme les Ltq. 275 ont été payées par les Arméniens, je vous ai télégraphié de vouloir bien attendre ma lettre de ce jour, vu que dans mon rapport du 12 j'avais indiqué que les Américains avaient dû sortir ce montant, ce qui est erroné. En outre, je vous prierais de vouloir bien ne pas faire mention du nom d'Emin bey qui m'a donné tous ces renseignement, etc. Mais si une commission venait [à être formée], il serait disposé de confirmer, comme toujours, les faits arrivés. Emin bey me fit observer en outre que le mufti et Takahout bin bachi lui avaient dit que si une commission serait nommée, ils déclareraient tout ce qu'ils savaient.
Il existe à Merzifoun encore une masse d'Arméniens cachés, de même ceux qui se sont convertis à l'islam restent, mais comme on le disait, on leur prend le plus possible pour après les expédier quand-même. A la suite de toutes ces histoires avec le caïmakam, etc., je ne lui ai fait ma visite qu'au dernier jour et il était affable au plus haut degré.
«concernant l'Anatolia College»
Excellence, J'ai l'honneur de confirmer à Son Excellence mes diverses dépêches de Samsoun et Merzifoun et regrette infiniment que vous n'ayez pas fait d'exception pour le collège et l'hôpital américains dans cette question des Arméniens. Il est loin de mes intentions de vouloir me mêler dans des affaires internes, mais, ici, il s'agissait d'un cas tout à fait extraordinaire. Il doit être suffisamment connu à Son Excellence que le collège et spécialement l'hôpital n'ont apporté dans le pays que du bien et du profit. Combien de vos soldats [y] ont trouvé bon accueil ce dernier hiver et furent soignés avec toute la bienveillance voulue. Cet institut n'a en vue que le bien être de votre pays et si on pense que ces gens sont depuis 50 ans continuellement voués à ce but, par une oeuvre humanitaire, on peut très bien comprendre que les mesures entreprises leur ont paru inespérés [sic].
J'ai fait comprendre au caïmakam de Merzifoun, Faïk bey, que le gouvernement turc veuille bien tolérer que ces gens puissent rester au moins à l'hôpital et qu'il aie la bonté de soumettre le cas à ses supérieurs, car je ne crois pas que votre honorable gouvernement veuille entraver l'organisation de cette installation si humaine. Au cas où tous les Arméniens viendraient à être expulsés, le Dr Marden se verrait contraint de fermer l'hôpital et je me demande alors où devraient aller les malades de nos contrées. Je ne puis aussi pas bien comprendre qu'il soit bien placé d'expulser de la sorte des gardes-malades innocentes, lesquelles soignaient si bien les malades sans distinction de religion et j'aime espérer que le haut gouvernement ne voudra pas tolérer de pareilles démarches. Jusqu'à ce jour, cinq gardes-malades ont été expulsées de l'hôpital, sans qu'on ait soumis le cas à Constantinople. Je crois que ces personnes sont tout autrement plus précieuses que d'autres et je prierais Son Excellence à ce qu'elle veuille bien donner les instructions nécessaires pour que ces gardes-malades puissent au moins rester à l'hôpital. Dans cette agréable espoir, veuillez... Peter.
«concernantl'Anatolia College»
Messieurs, Je suis bien rentré ce mardi 24 c[ouran]t et j'ai trouvé tout le monde bien. En ce qui touche donc votre affaire concernant le collège et l'hôpital, j'ai télégraphié à nouveau à l'ambassadeur pour qu'il fasse sans faute le nécessaire pour que les Arméniens restants ne soient pas molestés ou bien, qu'au pis-aller, on laisse les 4 nurses et 2 cuisiniers à l'hôpital et 1 cuisinier et 1 gardien au collège, sinon que vous seriez obligés de fermer l'institut. J'ai aussi écrit quelques lignes au vali, suivant copie de presse incluse et je veux suelement espérer que le tout aura une bonne fin. Admettant qu'on vienne quand-même à tout enlever, je vous prierais, comme déjà dit, de me faire parvenir de tout un inventaire précis en deux exemplaires, pour que je puisse en soumettre un à l'ambassade. Je lui ai aussi écrit que dans ce cas, vous partiriez éventuellement et qu'alors on devrait me faire parvenir des instructions comment il faudrait protéger votre établissement. S'il devait en venir si loin, je suis de l'opinion qu'éventuellement deux familles devraient rester là-bas pour garder les maisons pour ainsi dire, car on ne devrait pas laisser un si gros capital, respectivement le remettre si subitement en mains étrangères, car on ne sait jamais tout ce qui peut arriver.
Concernant les Ltq. 275 données par les Arméniens à l'avocat Ahmet effendi, au caïmakam et au commandant de gendarmerie, nous devons nous en tenir strictement à la pure vérité, c'est-à-dire que les Arméniens ont ramassé cette somme entr'eux, que l'argent a été remis par [le] professeur Hagopian à Ahmet effendi pour être payé aux deux personnes sus-nommées. De même, vous pouvez parfaitement dire que cet argent vous a été confié en dépôt par Hagopian, mais que vous ne saviez pas quel emploi il voulait faire de cet argent, vu que vous ne vouliez pas vous mêler dans ses affaires privées. Ce n'est que plus tard que vous auriez appris cela, aussi qu'Ahmet effendi avait conservé Ltq 100 pour lui des Ltq 275 en question. Ceci si on venait à vous interpeller là-dessus. Au reste, les trois personnes qui ont donnés les quittances pourront confirmer ces faits.
Si l'affaire des autres Ltq. 2/300 venait également sur le tapis, vous n'avez qu'à vous tenir aux faits arrivés, soit qu'Ahmet effendi vous avait proposé, au moyen de cette bonification au caïmakam et au commandant de gendarmerie, de pouvoir faire rester les girls à Merzifoun. Mais comme vous ne vouliez pas faire parvenir cet argent à des fonctionnaires ottomans, respectivement, vous ne vouliez pas vous immiscer à de pareilles machinations, vous m'aviez fait part du tout par dépêche, sur quoi j'ai fait partir le télégramme en question à l'ambassade. Vous avez agi dans cette affaire très correctement et on ne peut en aucune façon vous reprocher quoi que ce soit. Si Ahmet effendi a éventuellement empoché tout l'argent, il devra en pâtir pour cela, mais je puis à peine le croire, car il m'a assuré positivement avoir payé les Ltq. 175. Je vous présente... Peter.
*) Tous les documents publiés en Annexe I et II sont extraits du RG 84, Record of Foreign Service Posts of Department of State, Consulars Post, Samsun, Turkey, Miscellaneous Documents, c49, c8. 1, 1915, Box 5.
1) Deux rapports directement adressés au chancelier impérial Bethmann Hollweg par le vice-consul allemand à Samsoun, Kuckhoff, les 27 juin et 4 juillet 1915: cf. Politisches Archiv des Auswärtigen Amtes (Bonn), Türkeï 183, band 36, J. nr. 269. Le second a été publié dès 1919 par Johannes Lepsius dans un recueil de documents diplomatiques allemands (Deutschland und Armenien, 1914-1918, Potsdam 1919, pp. 104-106). Une version abrégée en français du même texte a vu le jour sous le titre: Archives du génocide des Arméniens (Paris 1986, pp.108-111). Ces rapports, rédigés par un diplomate représentant un pays allié de l'Empire ottoman, confirment les informations fournies par l'agent consulaire américain dont il va être question ici: «Tous les Arméniens sans exception ont dû partir: hommes, femmes, vieillards, enfants, jusques et y compris les nouveaux-nés, orthodoxes, protestants et catholiques... Pas un Arménien chrétien n'a le droit de rester ici, pas même ceux qui sont de nationalités étrangères: eux aussi doivent partir. Selon le mutessarif, les déportés qui quittent Samsoun sont conduits sur Ourfa. Il est bien évident qu'aucun Arménien n'arrivera jusque-là...» (cf. ibidem, pp. 109-110).
2) Elle est regroupée sous la cote Record Group 84 des Nationales Archives (Washington D.C.), Record of Foreign Service Posts of the Department of State, Consular Posts, Samsun, Turkey, Miscellaneous Documents, C 49, c8. 1, box 5, 6 et 7 pour les années qui nous intéressent (dorénavant citée US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1); elle n'est pas recensée par R. Adalian, dans les 37 000 documents de The Armenian Genocide in the U.S. Archives, 1915-1918 (Alexandria, Chadwyck-Healey Inc, 1992).
3) US NArch., RG 59, 867. 4016/373.
4) Une partie de la correspondance de Peter antérieure à sa prise de fonction — également conservée dans les US NArch. — semble indiquer que celui-ci était dans les affaires et établi à Samsoun depuis un certain temps. Sa correspondance en français et en allemand nous laisse supposer que William Peter — il signe Wilhem ou Guillaume avant d'être rebaptisé William lors de son entrée en fonction — était originaire de Suisse allémanique: un contrat d'assurance vie contracté auprès d'une compagnie de Zurich en juin 1914 (cf. box 7) conforte cette hypothèse. Les Us NArch. n'ont apparemment pas conservé de dossiers sur les agents consulaires (nos recherches dans ce sens n'ont rien donné). Pour tenir les agences consulaires américaines d'Asie Mineure, l'ambassade de Constantinople était souvent amenée à recruter localement des Européens, même s'ils n'étaient que francophones. Mais les consuls étaient systématiquement américains.
5) La construction, dans les années 1860/1870, d'une route carrossable reliant Samsoun au marché intérieur d'Asie Mineure contribua beaucoup au développement du port, qui attira vite des commerçants européens et des populations ottomanes les plus entreprenantes: en 1860, Samsoun ne comptait que 3 000 habitants et plusieurs dizaines de milliers en 1914, dont 5 315 Arméniens (pour 120 foyers en 1863): cf. R. H. Kévorkian-P. B. Paboudjian, Les Arméniens dans l'Empire ottoman à la veille du génocide, Paris 1992, pp. 196-199.
6) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, lettre de Trébizonde du 11 mai 1915, [n° réf.] 811.1.
7) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, [Copie] de la «Circulaire, note verbale» n° G1. 64141 et n° S1.85 adressée par la Sublime Porte, ministère des Affaires étrangères, à l'ambassade des Etats-Unis à Constantinople, le 18 avril 1915.
8) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, transcription du télégramme adressé à H. Morgenthau par W. Peter, Samsoun le 26 juin 1915.
9) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, transcription d'un télégramme adressé à H. Morgenthau par W. Peter, Samsoun le 24 juin 1915.
10) La présence à Samsoun de citoyens américains «anciennement arméniens» s'explique par le retour des Etats-Unis, après la «révolution» de 1908, de gens ayant fui le pays après les massacres de 1894-1896.
11) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, lettre de Peter à Morgenthau, Samsoun le 31 août 1915.
12)- US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, p. 3 du rapport de Peter à Morgenthau du 27 juin 1915.
13) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, p. 1 du rapport de Peter à Morgenthau du 10 juillet 1915.
14) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, p. 5 du rapport de Peter à Morgenthau du 26 août 1915, confirmé par le «rapport d'un Américain de Samsoun arrivé à Dédéagatch le 27 octobre 1915» indiquant qu'«entre Samsoun et Angora, on rencontre tout le long de la route de nombreux cadavres d'Arméniens» (cf. A. Beylerian, Les grandes puissances, l'Empire ottoman et les Arméniens dans les Archives françaises (1914-1918), Paris 1983, p. 139, publie un document des Archives du ministère de la Guerre (7 N 2096).
15) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, p. 6 du rapport de Peter à Morgenthau du 26 août 1915.
16) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, lettre adressée à l'«Honorable légation du royaume de Roumanie, [à] Constantinople», par W. Peter, Samsoun le 30 juin 1915, «Concerne affaires arméniennes».
17) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, rapport adressé à H. Morgenthau par William Peter, Samsoun le 10 juillet 1915, «concerne expulsion Arméniens».
18) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5.
19) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, Peter à Morgenthau, Samsoun le 4 décembre 1915.
20) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 7, lettre du 14 octobre 1916 de Peter à Abram Elkus, nouvel ambassadeur américain, concernant «G. Tokatlian et Dr. Siméonides du consulat de Russie»[à Samsoun].
21) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 6, Elkus à Peter du 2 décembre 1916.
22) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, Peter au consul des E.-U. à Genève F. B. Keene, Samsoun le 28 juillet 1915.
23) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, Peter à Morgenthau, Samsoun le 17 décembre 1915.
24) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, Peter au consul général de Roumanie à Constantinople, Samsoun le 13 novembre 1915.
25) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 7, circulaire de la Banque de Salonique adressée à ses correspondants à Samsoun, Constantinople le 6 juillet 1915.
26) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, plusieurs échanges de lettres entre Peter et le Richemond.
27) Cf. infra, en annexe, doc. n° 4.
28) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 6, lettre de Peter à l'ambassadeur A. Elkus, du 14 octobre 1916, concernant le contrat d'«Ovakim Kévork Massatian, assuré chez Equitable Ass. C., n° [de contrat] 1626139, [pour] Frs. 6 000 [et] The Star Ass. C. London, n° [de contrat] 114645, [pour] Frs. 3 000».
29) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 7, copie de la lettre de la N. Y. Life Insurance à Elkus du 21 décembre 1916; lettre d'Elkus à Peter du 5 janvier 1917; réponse de Peter à Elkus du 25 janvier 1917.
30) Ibidem, lettre de la N Y Life Insurance Compagny à Elkus du 21 décembre 1916.
31) Beylerian, op. cit., pp. 175-176, d'après un document des Archives du ministère des Affaires étrangères, guerre 1914-1918, Turquie, t. 888, f° 16.
32) Cf. Ara Sarafian, «The Paper Trail: The American State Department and the Report of Committee on Armenian Atrocities», Revue du Monde Arménien Moderne et Contemporain I (1994), pp. 127-160.
33) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5.
34) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, trad. anglaise (les dépêches ne peuvent alors être envoyées dans une autre langue que le turc) du télégramme adressé au vali le 4 juillet 1915 par les Drs Marden et White.
35) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 5, tradution anglaise du télégramme à Morgenthau du 4 juillet 1915 dont la «transmission [was] refused by the kaimakam».
35bis) Dans ses Diaries, conservés dans «The Papers of Henry Morgenthau, Sr.» (reel number 5-6), à la Library of Congress, Manuscripts Division, Washington D.C., l'ambassadeur américain consacre une place importante à l'affaire du College américain. On y apprend notamment qu'il ordonne à Peter d'aller à Marsovan dès le 29 juillet et qu'il négocie personnellement le sort des jeunes filles avec le ministre de la Guerre, Enver pacha. Certaines d'entre-elles seront ainsi sauvées.
36) Cf. Annexe II, doc. 5.
37) Ibidem.
38) Ibidem.
39) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 7, lettre à Abram Elkus, ambassadeur des Etats-Unis, Samsoun le 9 décembre 1916.
40) US NArch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 7, lettre à Abram Elkus, Samsoun le 26 février 1917.
41) US N Arch., RG 84, Samsun, c49, c8. 1, box 7, copie de la «circulaire, note verbale» du 21 janvier 1917, Sublime Porte, ministère des Affaires étrangères, n° G1. 92 184 et n° S1.7.
42) Cf. aussi la traduction anglaise du rapport: Library of Congress, Manuscripts Division «The Papers of Henry Morgenthau, Sr.», reel number 7.
43) cf. aussi la traduction anglaise: Record Group 59 des Nationales Archives (Washington D.C.), General Record of the Department of State, The Internal Affairs of Turkey 1910-1929, 867.4016/220.
44) cf. aussi original français et traduction anglaise: Record Group 59 des Nationales Archives (Washington D.C.), General Record of the Department of State, The Internal Affairs of Turkey 1910-1929, 867.4016/259.