Une interview d'Hilmar Kaiser
Par Khatchig Mouradian
The Armenian Weekly, 8 mars 2008
Traduction Louise Kiffer
Hilmar
Kaiser est un chercheur du génocide des Arménien qui est aussi connu dans les
cercles universitaires et la communauté arménienne pour la controverse qu'il
provoque au sujet de certaines de ses conférences et de ses interviews. Nous
nous sommes d'abord assis dans les bureaux d'édition d'Aztag Daily à
Beyrouth en septembre 2005 pour une interview fascinante au sujet des
archives ottomanes et du génocide des Arméniens.
Kaiser a obtenu son doctorat de l'Institut Universitaire Européenne de
Florence, en Italie. Il est spécialisé en histoire sociale et économique
ottomane de même qu'en génocide arménien. Il a fait des recherches dans plus
de 60 archives à travers le monde, y compris les archives ottomanes
d'Istanbul.
Ses ouvrages publiés – monographies, volumes et articles édités – y compris
"Impéralisme, Racisme et théories du Développement: La Construction d'un
Paradigme dominant sur les Arméniens ottomans"; Au Carrefour de Der-Zor: La
Survie à la Mort et la Résistance Humanitaire à Alep, 1915-1916: Une étude
de cas de la Résistance allemande et de la Complicité", 1915-1916 Ermeni
Soykirimi Sirasinda Ermeni Mulkleri, Osmanli hukuku ve Milliyet Politikalari";
"Le Génocide arménien, négation 'à l'allemande'; et "De l'Empire à la
République: les continuités du déni turc".
Dans cette interview, conduite à Boston en décembre 2007, Kaiser discute des
archives et parle de ses points de vue sur les chercheurs turcs – qu'ils
soient libéraux ou négateurs du génocide financés par l'Etat.
Khatchig Mouradian – Parlons de vos collègues turcs et de leur approche de
la question arménienne.
Hilmar Kaiser – Quand j'ai observé en Turquie au cours des années passées le
traitement "académique" organisé sur la question arménienne, j'ai pu
identifier au moins huit centres, qui sont en compétition les uns envers les
autres; et en outre, au sein des centres, il y a une compétition. Ce que
vous avez là, c'est un chaos florissant. C'est aussi compréhensible, car le
gouvernement turc y met le paquet. Le gouvernement met de l'argent dans le
projet sans avoir une estimation exacte, de sorte qu'il dépense un tas
d'argent pour du personnel qui a un impact zéro.
On doit bien s'en rendre compte dans certains cercles – spécialement dans la
Société Historique turque – mais ce niveau ne suffit pas. Certains
s'exclament: "notre résultat est inefficace parce que c'est seulement en
turc et personne ne peut le lire". Ils devraient comprendre qu'il est
heureux que personne ne puisse le lire, car une fois que ce serait traduit,
cela ferait encore plus de dommage qu'autre chose. Certains auteurs agissent
comme s'ils parlaient dans leur propre salle de bain.
Mais maintenant, au sein de la Société Historique turque, et parmi quelques
autres, on est d'accord que la production n'a pas atteint les normes de la
presse universitaire US, et tout autre travail est une perte totale de
temps.
Nous avons convenu que nous ne sommes pas d'accord, puis nous avons eu des
discussions au sujet du concept de génocide, nous avons alors discuté de
projets communs. Que cela arrive ou pas, c'est une autre affaire, mais au
moins nous aurons exploré ce qui peut être fait ensemble, dans des secteurs
où fondamentalement on ne va pas brûler ses vaisseaux. Après deux ans et
demi aux archives turques, ils se sont habitués à ce que je sois en Turquie,
il n'y a pas eu de scandale, ils se sont habitués peu à peu à ce que je sois
une réalité, et se sont sentis plus à l'aise et plus confiants au sujet de
cette situation.
Personnellement, je n'ai pas de problème pour parler à des historiens
officiels ou à des négateurs du génocide du fait que ces gens ont des
références nationalistes. Ils n'ont pas à prouver qu'ils ne sont pas des
espions arméniens, ils sont donc très cool à ce sujet. Ils sont très surpris
que je ne parle pas de cela aux "libéraux", et je leur dis très clairement
que c'est, à mon avis, un aveuglement de croire que quelques chercheurs
turcs – sans tenir compte du fait que leur travail soit si bon ou si
mauvais, si respectables ou insignifiants soient-ils – qui représentent une
infime couche, un couche très privilégiée de la société turque, la société,
les 1 pour cent de la classe supérieure, vont changer le pays.
Ces gens enseignent dans très peu d'endroits, où vont très peu d'étudiants,
et ils rejettent fondamentalement tout un système universitaire d'Etat avec
des dizaines de milliers d'étudiants en histoire. De sorte que je les ignore
tout simplement. Si l'on veut parler à des gens qui forment les enseignants
en Turquie, qui vont dans des universités à la campagne, c'est à d'autres
gens qu'il faut parler.
D'un point de vue allemand - je suis allemand et cela m'inspire qu'étant
donné le dialogue des années 70 et 80 entre l'est et l'ouest, il était
toujours manifeste qu'engager l'autre côté est inévitable, et cela leur fait
prendre part à la solution. On ne peut pas se débarrasser de tous ceux qu'on
n'aime pas, et recommencer tout depuis le début, parce que ces gens-là vont
lutter jusqu'à la fin s'ils n'ont rien à perdre. Une thèse respectable n'a
rien à voir avec le nom de la personne qui a l'écrite , elle se fonde sur
son propre mérite. C'est ainsi que les gens peuvent changer, et les accords
peuvent remplacer les désaccords.
Il ne faut jamais abandonner trop vite.
Il y a une substance sur laquelle on peut se déplacer, et j'y ai été
impliqué au cours de ces dernières années. Il y a des cas sans espoir parmi
les historiens en Turquie, naturellement. Lors d'un dîner, quelqu'un a
révélé qu'il était un fan d'Adolf Hitler. En Allemagne, je l'aurais signalé
à la police, et il n'aurait pas quitté le pays pour ce qu'il avait dit.
C'était, tout à la fois, un déni de l'Holocauste, du racisme, et un appel à
une violence interethnique. Il ne faut pas traiter avec ces types. Il y a
des normes claires. Ces normes sont: ne pas être compromis. Mais les autres
gens, je ne les boycotte pas, c'est clair.
K.M –- Vous critiquez les chercheurs libéraux . Mais la plupart des thèses
convenables écrites par des Turcs sur le génocide arménien sont écrites par
des chercheurs libéraux et non pas par ceux qui sont payés par l'Etat,
n'est-ce pas ?
H.K – Vous devez regarder les notes en bas de page. Chaque livre précise ce
que vous avez fait, du moins ce que vous prétendez avoir fait. La plupart se
basent sur des écrits publiés. Cela prouve qu'ils ne sont pas à
l'avant-garde.
Si l'on veut une recherche de l'original d'une certaine question, étant
donné le mauvais état de notre connaissance concernant les problèmes
d'archives et autres problèmes, il faut y passer du temps. Tous ces concepts
sur le génocide arménien sont développés sur une généralisation d'après une
source de base très étroite. Nous avons développé un grand nombre d'articles
de St Graal que nous avons entendus maintes et maintes fois, mais ce sont
des généralisations d'événements locaux qui ne se sont pas nécessairement
étendus. Il y a un tas de conneries que nous devons rejeter, et nous avons
les documents pour faire le point. Il faut être plus humble et plus relax à
ce sujet et faire très attention à nos découvertes.
K.M.– Parlez-nous de votre relation avec le chef de la Société Historique
Turque, Yusuf Halacoglu.
H.K. – Je l'ai rencontré au colloque d'Istanbul il y a presque deux ans.
Puis je lui ai rendu visite au colloque de la Société Historique il y a
environ un an, où il m'a reçu d'une façon très amicale. Ensuite nous avons
eu peu de contacts, et je lui ai rendu visite en juin et encore en novembre.
Halacoglu est le seul historien turc qui m'a présenté des matériaux que je
ne peux pas concilier avec mes connaissances actuelles. C'est quelqu'un de
très intelligent, très professionnel. Il me dépasse à certains égards.
K.M – Pourquoi dites-vous cela ?
H.K. – Il a le matériel des poursuites judiciaires des criminels de guerre
pendant la guerre. De mon côté, j'ai obtenu ma propre copie du matériel,
mais il y a le respect universitaire – c'est-à-dire qu'il a le droit de le
publier le premier.
Selon ce matériel, les gens qui ont volé de l'argent, qui ont tué, etc… ont
été condamnés. La liste identifie les coupables, ce qu'ils ont fait, et
quelle a été leur sanction. Nous savons, par exemple, que les meurtriers de
Zohrab et de Vartkès Effendi ont été exécutés par Djémal, et il y a eu
d'autres exécutions. Les gens qui ont volé de l'argent à la population
arménienne et qui l'ont mis dans leur poche au lieu de le remettre au
gouvernement ont été pénalisés. Nous savons cela mais nous avons besoin
d'une analyse sérieuse des faits. Nous n'avons pas encore de réponse
décisive.
K.M. – Mais ils n'ont pas été condamnés pour avoir volé des Arméniens,
n'est-ce pas ?
H.K. – Nous n'avons pas fait de recherche là-dessus. Cet élément en fait
sûrement partie, mais est-ce que nous nous en préoccupons beaucoup
réellement ?
K.M. – Comment qualifieriez-vous les travaux de Halacoglu ?…
H.K. – Son livre sur le 16 ème siècle est très bien…
K.M. – Non, je parle de son travail sur le génocide arménien….
H.K. – Ce n'est pas si facile, il faut voir qui il est. Il est le
représentant de l'Etat turc. S'il y a un vrai débat entre des personnes
ayant l'intellect et la maîtrise des sources, Halacoglu dirigera l'équipe
turque.
L'écarter pour la faiblesse de son érudition passée ou son fanatisme
politique – ou quelque autre argument que vous vouliez apporter ou que vous
puissiez avoir pour soutenir votre point de vue – ne sera pas nécessairement
productif.
Ne sous-estimez pas Yusuf Halacoglu. Je le respecte. Il se peut que je ne
sois pas absolument d'accord avec lui, mais je suis assuré que je ne me
battrais par avec lui à ce sujet. Les ressources universitaire de toute une
scène convergent vers cette seule et unique personne. Les Arméniens n'ont
personne d'équivalent même de son ombre.
D'autre part, il n'est pas antagoniste comme le fasciste que je viens de
mentionner. Halacoglu s'intéresse au dialogue, le problème est : sur quels
termes. Il n'a aucun problème à causer avec moi, à causer avec d'autres…
K.M. – La façon dont vous décrivez un négateur notoire du génocide pourrait
en surprendre plus d'un…
H.K. – Tout d'abord, la description des négateurs en tant de groupe est
fausse. Vous avez des gens qui sont entièrement payés comme rédacteurs
officiels et qui n'ont rien à offrir; ce sont malheureusement les gens qui
écrivent les discours pour Erdogan quand il va à l'étranger. Ensuite vous
avez cette sorte de créatures universitaires de troisième classe, bien
connectées politiquement, intéressées seulement à grimper sur l'échelle de
leur situation, parce qu'ils ne peuvent vivre que par l'escalade, parce
qu'ils n'ont rien à offrir. Et vous avez enfin des gens qui sont
sérieusement en désaccord avec vous.
La façon dont les matériaux turcs ont été utilisés dans une publication
récente en langue anglaise dans ce pays (US) – et qui est considéré comme
une grande recherche – est totalement non-universitaire. La célébrité est là
parce que personne n'est capable de vérifier les sources. Si cette
publication avait été une publication niant le génocide arménien, il y
aurait eu un tollé général. Les mêmes méthodes de déformation des sources,
vous les appelez des suppositions. Tout est là.
K.M. – Pouvez-vous donner un exemple concret ?
H.K. – Par exemple, un chercheur prétend que le Président du Parlement
Ottoman allait en Allemagne en mars 1915 pour coordonner la décision du
génocide arménien, et il donne la source. Or la source dit exactement le
contraire. Je ne veux pas maintenant entrer dans les détails, car je ne suis
pas en train de le publier.
K.M. – Parlez-nous des archives ottomanes. Qu'est-ce qui a changé ces deux
dernières années ?
H.K. – La Direction de la Démographie du Ministère de l'Intérieur a été
réouverte. Cette collecte de données a été ouverte pendant quelque temps
dans les années 1990 et a été fermée pour au moins deux ans depuis 2005.
C'est là une réouverture, mais pas un renouvellement des collectes.
L'ouverture d'autres dossiers est rapide, formidable. Ils ont ouvert les
dossiers du Ministère de l'Intérieur pour la période d'Abdul Hamid jusqu'à
la période de la seconde constitution. C'est énorme.
Ils ont aussi ouvert les dossiers de l'Ambassade de Paris, et ils sont en
train d'ouvrir maintenant d'autres dossiers d'ambassades. C'est là un pas
qui n'a jamais été franchi auparavant.
Toutefois, il y a encore des dossiers – des compilations dont nous avons
parlé lors de notre précédente interview – comme les dossiers des
commissions des propriétés soi-disant abandonnées – qui ne sont pas encore
disponibles. Il ne nous est pas non plus possible de consulter les dossiers
les plus cruciaux de la Première Guerre Mondiale concernant les Arméniens,
car ils ont été soustraits en 1919 des dossiers qui avaient été ouverts
jusque là, et ont été classés dans une nouvelle collection pour les buts du
gouvernement. Ce n'est donc pas – comme certains le prétendent – un
nettoyage des archives. C'est juste un transfert de certains dossiers d'un
bureau à un autre dans le contexte d'une organisation administrative. Ce
matériel, d'après ce que j'ai compris ne va pas être ouvert prochainement,
non pas parce que les archivistes ne sont pas motivés, ni parce qu'ils ne
sont pas intéressés, mais tout simplement parce qu'il y a tant de gens et
tant de travail. Il y a un manque de ressources.
Il n'y a pas d'opposition politique maintenant vis-à-vis d'une levée du
Secret, ni d'un traitement de l'information. Ce qu'ils n'ont pas, tout
simplement, ce sont des ressources suffisantes, ce qui est regrettable.
K.M.– Quelle est l'importance des dossiers d'ambassade concernant la
question arménienne ?
H.K. – Je n'ai pas travaillé là-dessus; mais, par exemple, les catalogues
indiquent que les dossiers d'ambassades de Londres, de St Pétersbourg, de
Paris, fournissent un grand nombre d'aperçus sur les massacres de 1890. De
même, les ambassades étaient des postes d'espionnage. Ils espionnaient les
communautés de la diaspora arménienne et l'espionnage était dirigé par le
Ministère de l'Intérieur par l'intermédiaire des ambassades. De sorte qu'on
trouve une grande quantité de matériel du Ministère de l'Intérieur dans les
dossiers des ambassades, et l'on trouve des rapports de l'ambassade au
Ministère de l'Intérieur. Ceci est très important, car il se peut que nous
ayons perdu quelque matériel – physiquement totalement pourri – à cause des
problèmes de maintenance. Ainsi, on pourrait avoir perdu le brouillon du
dossier du Ministère de l'Intérieur, mais puisque la lettre est parvenue à
l'ambassade, on peut l'avoir dans le dossier de l'ambassade; parce que
l'ambassade de Paris avait de meilleures installations de rangement.
Certains de ces dossiers ont été très récemment rapatriés, ce qui est
passionnant.
K.M. – Vous parlez de centaines de milliers de dossiers, et parmi eux, il se
pourrait que des milliers de dossiers relèvent de la question arménienne.
Combien de personnes sont réellement impliquées dans la recherche de ces
dossiers ?
H.K.- Il y a un intérêt croissant parmi les historiens turcs d'Istanbul et
des provinces, qui n'ont pas été impliqués dans les campagnes organisées
jusqu'à présent contre les "traîtres" turcs qui disent qu'il y a eu un
génocide, ou sont contre les "allégations arméniennes". Mais ce qui s'est
avéré maintenant lors de mes exposés, est que les Arméniens sont devenus un
thème d'actualité. Un universitaire est en train de publier un registre des
impôts du 16ème siècle d'Erevan – à Istanbul, et non à Erevan. Cela n'a rien
à voir avec le génocide, mais c'est très important pour l'histoire
arménienne. Nous avons des registres d'impôts sur le revenu du 19ème siècle,
des années 1840, aussi très importants. Aussi, là où nous allons directement
maintenant est une périodisation de la cause/de la question/du problème
arméniens, comme on les appelle en Turquie.
Le peuple ne mélange plus l'ère du Tanzimat, l'ère d'Abdul-Hamid, la période
de la seconde constitution avec le génocide et la période d'occupation
suivante.
Nous voyons maintenant de plus en plus d'universitaires très bien respectés
et motivés qui travaillent là-dessus, et pas seulement parce qu'ils veulent
prouver ou réfuter quelque chose – cela pourrait en être un seul aspect –
mais parce qu'il y a un intérêt pour cette matière.
De l'extérieur, le Dr. Taner Akçam est venu ici il y a quelque temps pour
trois semaines, et maintenant il fait des conférences sur les archives
ottomanes, ce dont je lui suis très reconnaissant. Et puis, Garabed
Moumdjian était ici avec moi en 2006 pour deux semaines, travaillant sur les
"Jeunes Turcs" et la FRA.
Il a créé des ondes de choc à travers tout l'édifice. A chaque fois que j'y
pense, ça me fait rire. Un Arménien est entré ici, il parlait mieux le turc
que les Turcs, il lisait l'Ottoman, les documents manuscrits comme nous
lisons le New York Times, il parlait au personnel des archives en
arabe…L'idée de la FRA, fanatique, tueur assoiffé de sang et ainsi de suite
a reçu un choc dévastateur.
Il n'y a personne d'autre. C'est le seul Arménien qui est venu ici, pendant
peut-être des décennies -
( auparavant, il n'y a eu que Ara Sarafian qui soit
venu).
Cela montre que ces programmes, quoi qu'ils fassent, il y a une chose qu'ils
ne font pas: ils n'amènent pas les gens à un point où beaucoup espéraient
qu'ils les conduiraient. Donc, nous sommes à ce point-là, et cette année il
semble que je sois le seul.
K.M.- Il a y tant de recherches à faire dans ces archives. Pourquoi y a
–t-il si peu d'intérêt de la part des universitaires de l'extérieur de la
Turquie ?
H.K. – J'ai été critiqué par quelques éléments mal informés de la diaspora
arménienne pour avoir été aux archives, parce que maintenant ils ne peuvent
plus dire qu'elles sont fermées. Pourquoi avons-nous insisté pour qu'elles
soient ouvertes si nous ne voulions pas qu'elles le soient ? Pour certaines
personnes, c'était manifestement un simple discours politique. Il faut que
je sois très critique à ce sujet. Toutes ces donations que la communauté a
mis dans la recherche, il est évident qu'aucune n'est parvenue ici. Aussi,
quand je vais là-bas, les gens ne devraient pas croire que j'y vais avec un
ticket arménien. S'il y avait dedans 5 % d'argent arménien, ce serait bien.
Mes collègues me demandent en Turquie où sont tous ces Arméniens. Ils
avaient peur qu'au moment d'ouvrir la porte, une foule allait envahir la
place. Alors, vous aviez en fait la cavalerie qui attendait les Indiens pour
l'attaque, et au bout de quatre ou cinq ans un seul Indien s'est pointé. Et
ainsi ils ont compris que leurs projections d'une grande conspiration
arménienne n'est seulement qu'une formulation de leurs propres craintes, qui
n'ont relativement pas grand chose à voir avec la réalité.
Quand je dis que les archives sont ouvertes, c'est limité, c'est clair, mais
il y a certainement aucune excuse pour ne pas le faire. C'est une chose très
simple. Une preuve cruciale, au sujet de ceux dont nous connaissons
l'existence, n'est pas disponible en ce moment. Mais il n'y a aucune excuse
pour ne pas épuiser ce qu'ils ont rendu disponible, parce que cela doit être
fait de toute façon.. Si les gens disent: Bon, nous voulons voir le reste et
après nous ferons quelque chose, eh bien cela n'est pas professionnel. On
doit être à l'avant garde de la recherche. Je pense que cette sorte de
concept n'est pas présente.
K.M. – Que pensez-vous de la proposition du Premier Ministre Erdogan pour
une commission historique commune ?
H.K. – Une commission n'aurait pas grand chose à faire. Nous avons
parfaitement compulsé les archives ottomanes et il ne reste pas beaucoup à
voir sur la Première Guerre Mondiale. Aussi, qu'est-ce qu'une commission
devrait-elle faire ? Scanner les documents une seconde fois ?Ce serait
parfaitement insensé. Le répertoire des dossiers de la Première Guerre
Mondiale doit faire de rapides progrès pour fournir une base d'archives pour
une commission. Le problème illustre le fait qu'Erdogan n'a pas les
meilleurs conseillers en ce qui concerne le génocide arménien. Ces gens
développent des idées sans vérifier tout d'abord si les pré-conditions pour
leur propre proposition existent à l'intérieur de leurs propres
institutions.
Une autre affaire est de se débarrasser d'obstacles tels que l'article 301.
Je ne m'attends pas à ce que quiconque soit d'accord avec moi que cela
signifierait qu'il serait considéré comme un délinquant s'il faisait cela.
Le gouvernement AKP à Ankara a hérité d'un pétrin créé par ses prédécesseurs
durant des décennies. Ce ne sont donc que quelques petites mesures à prendre
pour le moment, tout en espérant que l'AKP fasse son devoir et continue sa
course positive dans l'ensemble. |