Ce n'est pas un hasard si les deux pays choisis pour enrôler les négationnistes, les états-Unis et la France, sont justement ceux qui abritent le plus grand nombre d'Arméniens hors de l'ex-URSS. Ankara suit avec obsession la volonté inébranlable des Arméniens de parvenir à une reconnaissance par ces deux états du génocide de 1915. Celle de la France a constitué un sérieux revers pour la Turquie. Une décision analogue aux états-Unis aurait pour ses positions des conséquences bien plus catastrophiques.
Le timide pas fait par le Parlement uruguayen en 1965 mit du temps à faire des émules, mais le processus subit une spectaculaire progression depuis une dizaine d'années. Il est désormais clair qu'il ne s'agit pas d'un problème concernant seulement les Arméniens, encore moins d'une question à régler entre l'état turc et la petite république d'Arménie : c'est un crime contre l'humanité qui a été commis, et en tant que tel il prend une dimension universelle.
Parmi les nombreuses résolutions adoptées, il y a plusieurs catégories : il peut s'agir d'un projet de résolution soumis au Parlement, ou d'une résolution adoptée par lui, ou encore d'une loi ratifiée par l'exécutif. Il convient chaque fois de vérifier si on se borne à déplorer des victimes ou si on dénonce la décision génocidaire, et, en ce cas, si l'auteur du forfait est nommément cité.
Ainsi, chez le pionnier en la matière, l'Uruguay, c'est la présidence de la République elle-même qui a confirmé le 26 mars 2004 la résolution de 1965, mais en se contentant toujours de parler de « martyrs ». En revanche, le Parlement italien a voté le 16 novembre 2000 une résolution demandant à la Turquie de reconnaître le « génocide », mais elle l'a soumise à la présidence et le texte reste pour l'instant au niveau parlementaire.
De nombreuses autres chambres législatives d'Etats ont adopté avant la fin 2004 une résolution « complète » analogue, de même que plus de la moitié des états des USA, des cantons suisses, des parlements provinciaux canadiens et australiens.
Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut citer, par ordre chronologique, les reconnaissances suivantes par des corps législatifs d'états :
Quelques jours après la décision européenne du 17 décembre 2004 qui ne posait aucun préalable à l'examen de la candidature turque, le Parlement néérlandais, en signe de protestation contre son gouvernement, vota une motion lui demandant « de soulever continûment et explicitement la question du génocide arménien dans le cadre du dialogue avec la Turquie ». Dans la catégorie de résolutions qui dénoncent explicitement le « génocide » sans mentionner son auteur, on trouve :
La France est un exemple particulièrement important quant au processus suivi : la proposition de loi a été approuvée par l'Assemblée nationale dès le 28 mai 1998, puis par le Sénat le 7 novembre 2000, enfin ratifiée par la présidence de la République le 29 janvier 2001, chaque étape ayant exigé d'énormes efforts pour vaincre les réticences et contourner les obstacles constamment dressés par la Turquie qui brandissait ses éternelles définitive est concise : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. La présente loi sera exécutée comme loi de l'état ». Certes, n'y figurent pas les mots « turc » ou « ottoman », mais en revanche c'est à l'heure actuelle le seul cas où la reconnaissance est transformée en loi de l'état, au lieu de rester au niveau de résolution du pouvoir législatif.
Le monument du génocide des Arméniens à Paris représente le compositeur Komitas arrêté le 24 avril 1915. Il mourut fou en 1935 dans la banlieue parisienne. |